Mektoub My Love : Canto Uno

Abdellatif Kechiche

Avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche

  • 2017
  • 2h50

Le cinéaste filme les ardeurs sensuelles d’une bande d’amis. Il raconte l’été à Sète, en 1994, d’un groupe de filles et de garçons. Ils viennent de Paris, Nice ou de la Tunisie. Ils ont 20 ans, s’éclatent tous à la plage, dans les bars, en boîte. Un été de frénésie, d’ivresse. Des couples se forment, se déforment, la jalousie s’insinue.

Première partie d’un futur triptyque, le film emballe par l’éclatante pureté de son trait. Le réalisateur y entremêle avec grâce élan mystique et faim charnelle. Librement adapté d’un roman de François Bégaudeau (La Blessure, la vraie, 2011), ce «chant premier» de l’oeuvre, si ouvert aux interprétations, si riche de pistes possibles, fait d’ores et déjà attendre avec impatience sa suite. On y trouve une constellation d’éléments comme détachés des précédents films du réalisateur. Une fille d’éleveur qui se nomme d’après Shakespeare Ophélie, voici L’Esquive ; une mobylette promouvant un restaurant de couscous, voici La Graine et le Mulet ; une jeune femme déchaînant autour d’elle un désir brutal et tellurique, voici Vénus noire. Une scène d’amour enragée qui cueille le spectateur et voici La Vie d’Adèle. Mektoub, My Love nous entraîne cependant dans une voie nouvelle qui n’appartient qu’à Kechiche, d’une belle intrépidité : l’abandon presque total de la narration, la consomption de la chair et des mots dans l’incendie estival du désir, le film comme un long trip sensoriel dédié à la célébration de la vie. Ce film n’est qu’une première partie ? Qu’importe, ce Chant un, gorgé d’énergie verbale et charnelle, se suffit à lui-même et parvient à avoir son autonomie propre, nous laissant étourdi et ravi.